Comme tout adolescent éternellement amoureux, naïf mais néanmoins suffisant, j’ai adoré le Petit Prince. Secrètement à cause du statut d’aviateur de son auteur, Saint-Exupéry, et de sa mort chevaleresque, abattu dans son P 38-Lightning peu de temps avant la fin de la Guerre. Comme tout adolescent, la guerre et les avions étant des valeurs devenues enfantines que je ne pouvais que mépriser, je m’extasiais devant les vérités sur l’amour et l’amitié que le petit prince, l’aviateur, la rose et le mouton s’échangeaient, je ne sais plus trop dans quel ordre, et que je replaçais dans chacune de mes lettres.
J’avais lu, enfant, à en rire à gorge déployée, Le Petit Nicolas. J’adorais autant les textes que la ligne fluide et déliée des dessins de Sempé. Adolescent, je dédaignais les aventures d’Alceste, Eudes et du Bouillon. Trop puériles !
Aujourd’hui, je suis comme l’ancien communiste qui se demande ce qui a bien pu l’aveugler pour croire en Mao ou Staline avec autant d’enthousiasme. Le Petit Nicolas contient autant de vérités de l’enfance que le Petit Prince de niaiseries.
Chaque fois que je fais un cours à de futurs pédopsychiatres, je les invite à relire, ou lire, Le Petit Nicolas, de Sempé et Goscinny, s’ils veulent comprendre l’univers d’un enfant entre 6 et 10 ans.
Chaque fois que je lis un texte qui commence par citer la phrase du Petit Prince On ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux, j’ai des nausées à en rendre mon quatre-heure.
(Mais ceci étant dit, je t’invite à lire le Petit Prince de Saint-Ex, parce que c’est quand même très beau.)