Sei Shonagon, dans ces Notes de Chevet, a écrit 162 listes. Elle détaille ainsi les choses détestables, peu rassurantes, qui paraissent pitoyables, qui ne servent à rien mais qui rappellent le passé…
Elle fait la liste de ses vêtements, des lieux qu’elle connaît, ponts, temples, montagnes. Certaines listes ne contiennent que quelques mots, d’autres sont entrelacées de poèmes, de souvenirs précieux ou dérisoires.
Sei Shônagon écrit: Baies : Les baies d’Ou, de Shiogama, de Shiga, de Nakata, de Korizuma, de Waka. Sans autre commentaire ni précision. Laissant le lecteur à son imagination, simplement porté par la sonorité étrange de ces noms dont il ignore tout. Est-ce des lieux que la belle dame a aimé, dont on lui a vanté la beauté ou le pittoresque, ou simplement ceux dont elle connaît l’existence ?
A propos de sa liste « plages », elle aussi simple succession de nom de lieux, elle ajoute ce commentaire : Je m’imagine que la dernière est très vaste. Je vois alors une de ces plages désertes, battues par le ressac, telle celle que les cinéastes Japonais semblent tout particulièrement aimer filmer dans de longs plans-séquences. Et je me mets à rêver au rêve de Sei : sable, dragons, animaux fabuleux, arbres en parasol subtilement agité par la brise…
Vêtements de dessous :
En hiver, c’est la couleur azalée que je préfère.
J’aime aussi les habits de soie brillante et les vêtements dont l’endroit est blanc et l’envers rouge sombre.
En été, j’aime le violet, le blanc.
L’érotisme subtil de cette liste se renforce de sa place, si aléatoire semble-t-il, entre Les choses mauvaises et Les montures d’éventail. Dévoilement d’une intimité juste entraperçue et qui me plonge dans un questionnement sans fin ; ne connais-je pas des azalées blanches, roses vifs, rouges feu ou presque noires ? à quoi pouvait donc bien ressembler ces « vêtements de dessous » : jupon, tunique, pantalon ?
Je lis ces listes, me délectant de leur brièveté, m’étonnant de leurs saveurs piquantes de modernité, ravi de leur drôlerie, ému, irrité parfois…
Et peu à peu se dessine le portrait de Sei :
Malicieuse, parfois moqueuse, mais sans méchanceté, coquette avec raffinement, espiègle avec finesse, parfois futile, souvent sage, sans gravité aucune.
Une frivole qui aime les jeux amoureux, l’esprit et les poèmes chinois que l’on récite à la dame de son cœur derrière les cloisons de bambous désespérément closes.
Une philosophe qui s’amuse : « choses rares : un gendre loué par son beau-père. Une bru aimé par sa belle-mère »…
Une snob qui garde ses émerveillements d’enfant : Choses qui semblent pures : Un vase de terre cuite, non vernissée. Une cruche de métal, neuve. …La lumière qui passe au travers de l’eau qu’on verse…
J’oubliais, Sei Shonagon a vécu au Japon autour de l’an 1000. Elle était Dame de Cour de l’impératrice Sadako. Et certainement une de premières blogueuses de tous les temps.