Littérature française (1) Proust et Céline

Il est temps que je pontifie un peu, que je te donne ma vision large, pertinente forcément, des lettres françaises. Histoire de me faire détester. Je vais commencer par le plus récent. Je crains ne jamais arriver jusqu’au Roman de Renard mais je sais que tu ne m’en tiendras pas rigueur. Je te fais juste remarquer que le goupil, nom commun de l’animal roux mangeur de poules, porte le nom propre de Renard dans ce texte du moyen-âge et que Renard devint, par la puissance de la fiction, le nom commun l’animal. on en reparle plus bas.

Lili, soyons simple ; on peut distinguer trois courants actuels dans la littérature française : les Proustien, les Célinien, et les Autres.

Proust passa 14 ans de son existence à romancer sa vie dans LE roman total, La recherche du temps perdu. Après Proust, il n’était plus possible de considérer la fiction avec le regard du XIXème siècle. Si, comme l’affirmait Flaubert, Madame Bovary, c’est moi, après Proust, le narrateur de la Recherche, Marcel, et Marcel Proust, ne font plus qu’un, indissociable. Cependant, il s’agit bien de fiction, mais d’une fiction qui se termine, comme elle commence, par le récit d’un homme dans son lit et qui va mourir. Un homme que décrit l’écrivain qui va lui même mourir après avoir écrit le mot fin de sa Recherche. Juste après.

Proust invente le roman circulaire. (Et plein d’autres chose encore).

Un roman dont la puissance va transformer le réel, celui de la vie, en faisant qu’un village de France s’appellera désormais Combrais, car il est tel nommé dans le roman et non plus Illiers, comme il l’était avant Proust !

Plusieurs s’y sont ensuite essayés ; l’autofiction a fait flores chez les prof de Français amoureuses de la Recheche. Le résultat est pathétique. Il ne suffit pas de décrire ses courses au Felix Potin du canal Saint Martin, ou son adultère avec un collègue de math à la pause de 10 heure dans les toilettes de la salle des prof, pour être à la hauteur de Madame Verdurin, d’Oriane de Guermantes ou de Swann. (Comme il ne suffit pas d’aller à la ligne toutes les deux phrases et de répéter les mots en litanie pour écrire du Duras.) On devrait interdire aux profs d’écrire…

Proustien, ils ont le goût du style et de l’introspection, tout en regardant le monde avec une intelligence de chirurgien. Des bons garçons doués et qui adore leur mère ; ils sont cruels quand il le faut, impudique et talentueux, comme Marcel, leur maitre. Emmanuel Carrère est le plus doué de sa génération.

Longtemps, j’ai commencé la lecture du Voyage au bout de la Nuit et à chaque fois reposé le livre dans une incompréhension totale. C’est comme si je lisais un livre dans une langue étrangère, un dialecte créole. J’en étais profondément déçu. J’étais attiré par Céline, par le goût du souffre et du génie que je subodorais de lectures obliques. A l’école, on n’en parlait jamais, la littérature d’après guerre se résumait à quelques poèmes de Prévert, Desnos, et des romans consensuels et chiants.

Je me souviens avec éclat du jour où sa lecture m’est devenu évidente, comme si j’avais reçu le don des langues, et où je n’ai plus quitté le Voyage pendant un mois.

Je devais avoir 21 ans, j’habitais une soupente avec mon ami François. Ce matin, je n’étais pas allé à l’hopital. Un soleil épais rentrait par la fenêtre haute. C’était plus une lucarne, un chien assis d’où on voyait la cour d’une caserne. Je buvais un thé sur des coussins infâmes acheté chez Madura, temple du cool fauché. J’étais bien. Ca a débuté comme ça. Moi, j’avais rien dit. Rien. Ca a débuté comme ça. Moi, j’avais rien dit. Rien. Et je suis entré dans cette langue et j’ai voyagé, réellement voyagé jusqu’au bout de la nuit. Quand j’y suis arrivé, j’ai passé quelques jours enfermé dans ma chambre, groggy, sonné, à jamais différent. Me demandant « comment écrire après Céline ? »

Les Céliniens éructent. Ils ne se posent pas cette question. Mauvais garçons ou mauvaises filles, mauvais élèves dans leur jeunesse, mauvais enfants depuis toujours ils détestent le monde, leur parents, la pensé unique avec talent. Souvent mégalomane et infréquentable, toxicomane ou fumeur invétéré, de droite ou anar… Le plus infréquentable est Michel Houellebecq.

Puis viennent les Autres. Uniques, Stylistes ou Raconteurs d’histoires (j’adore les histoires). Tournier et Modiano, Dubois ou Nothomb…petits maitres que l’on vénèrent ou oeuvres à Pléiade. On en parle plus tard.

 

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