Romans d’amour

 

Qui ne sont pas des romances. encore moins du Marc Levy. Parce que, comme le chante les Rita Mitsouko, les histoires d’amour finissent mal, en général.

 

Belle du Seigneur Albert Cohen

Je l’ai lu en 1981. La raison en est simple, Mitterrand venait d’être élu.

Mitterrand me fascinait. Notre génération n’était pas dupe et son coté florentin, Raminagrobis dévorant belette de droite et lapin de gauche, mais un président écrivain et amis des écrivains, cela m’allait tout à fait. Peu de temps après son élection un journaliste lui demanda quels étaient ses livres préférés. Question qui paraitrait complètement incongrue aujourd’hui, et dont le pluriel en embarrasserait plus d’un homme politique actuel. Mitterrand cita entre autre Jacques Chardonne, Marguerite Duras , (deux univers bien opposé !)et Belle du Seigneur de Cohen ! 600 pages de passion amoureuse. Le plus beau des romans d’amour, (avec Tendre est la nuit, d’accord), le plus terrible, le plus drôle, le plus attachant. Je me rêvais Solal, je cherchais mon Ariane, prêt à partir pour Genève pour séduire une protestante. Je l’ai offert à Caroline l’été de notre rencontre parce qu’elle est protestante, drôle, et que j’espérai devenir son Solal, si elle le voulait bien.

 

Tendre est la nuit Francis Scott Fitzgerald

Il faut le lire parce que c’est une des plus belles et terribles histoire d’amour ; Parce que la construction romanesque est remarquable ; parce que l’écriture de Fitzgerald est à la fois virile et poétique, subliment belle ; parce que c’est un livre fondateur d’une grande partie de littérature contemporaine américaine et que l’on ne peut comprendre Canada de Richard Ford ou Breat Easton Ellis sans l’avoir lu. Et enfin, très narcissiquement, parce que cela parle de psy, de cliniques Suisses où l’ombre de Jung et Freud plane.

 

Fragment d’un discours amoureux Roland Barthes. Ce n’est pas un roman d’amour. Mais Barthes parle si justement de la passion amoureuse, de l’attente, de la lettre, de la jalousie, convoquant, ça et là, avec élégance et concision les plus beaux romans d’amour de la littérature dont

Les Souffrances du Jeune Werther de Goethe, le Rouge et le Noir de Stendhal et La Recherche bien sûr.

Pourquoi lire des livres

…Plutôt que des ebook, des ordi, ou ce que l’on va inventer ?

 

Parce que comme le souligne Umberto Eco, le meilleur, et le plus ancien, des supports durables est le papier. Aujourd’hui encore, sans aucun soucis tu peux lire une édition originale des Caractères de La Bruyère, et certainement, avec un peu d’entrainement en latin, un incunable de la fin du moyen-âge. Par contre je te mets au défi de lire le texte contenu sur une disquette souple de 1980, un livre conservé sur « ZIP » en 1985…

Parce que un livre peut être trempé, et tu peux le lire encore. Couvert de sable, de terre, et encore lisible.

parce que tu peux le remplir d’annotations, le lire caché sous tes draps, le lire couché, debout dans le métro, en douce sous ta table de classe…

Parce qu’un livre n’a pas besoin d’électricité, de piles, de téléchargement ; il n’a besoin de rien d’autre que de lui. Le livre se suffit à lui-même.

Parce qu’un livre ce n’est pas qu’un texte, c’est du papier, l’effort de l’imprimer, le choix d’une typo, une couverture, une jaquette, une préface, du carton, de l’encre, du papier chiffon, du venin, du papier bible, ou du papier jauni,  du cuir parfois, de la soie pour le signet, de l’or pour le lettrage de la tranche, des fautes, des choix, les fulgurances artistiques de celui qui l’a conçu, des images sur une couverture, un texte en 4eme…

Parce que pour un même texte, il existe des livres à 2 euros et des livres très beaux, des livres illustrés, des livres imprimés avec soins, avec une préface savante, des bois gravés, des lettrines travaillées, des typographies sophistiquées, des dédicaces prestigieuses…. Regarde dans ma bibliothèque Lili, j’ai une éducation sentimentale en édition de poche, acheté d’occasion 3 ou 4 Francs quand j’avais 20 ans, Une édition « Portique » relié en cuir, sur papier Bible, avec un superbe travail de typographie des années 50, et une vieille édition qui se délite, perd ses pages, mais que j’aime bien. J’ai lu les trois, dans des moments différents de ma vie, et de manière très différente à chaque fois.

Parce que on peut donner un livre de sa bibliothèque à un ami qui le désire et ce, d’un geste. Juste le temps d’écrire un mot sur la première page.

Parce que on peut voler un livre à ses hôtes, surtout si durant le repas ils n’ont pas voulu parler littérature avec toi.

Parce qu’on peut lire les livres d’un autre et le sentir vivre, même s’il a disparu depuis longtemps.

livres d’enfance 1 : livres qui m’ont fait rire aux larmes, seul sous mes draps.

Quand je tente de faire la liste de tout ce que j’ai lu enfant, j’en suis affolé : Je devais lire un livre par soir ! Certainement en sautant la moitié des passages pour nombreux, et en relisant d’autre sans jamais me lasser. Particulièrement les livres qui me faisaient rire : J’avais un faible pour « l’humour british », le pince sans rire…

 

Trois hommes dans un bateau de Jerome K. Jerome est le livre que j’ai le plus relus de ma vie. J’en connais encore aujourd’hui certains -courts- passages par cœur. Chaque fois que j’avais le blues, que je me sentais incompris par mes parents, et c’était fréquent, ou par mes camarades de classe, que j’étais amoureux mais souffrais de ne pouvoir le dire, je relisais cette épopée drolatique de trois « gentlemen » sur la Tamise, pleurant à force de vouloir retenir mes rires pour ne pas déranger mon frère qui dormait dans la même chambre que moi au récit de l’oncle Henry accrochant un tableau, ou de l’ouverture d’une boite de thon, ouverture impossible bien entendue. Je me rêvais anglais, flegmatique et drôle, élégant et « en weekend », car dans la même veine, j’ai dévoré les aventures de Jeeves, le valet de chambre de l’inconséquent lord Bertie.

P. G. Wodehouse me faisait hurler de rire à la plus grande inquiétude de ma famille qui me croyait endormi dans un transat sous le platane de notre maison de vacances.

Ma trilogie anglaise se complétait par les fameux Carnets du Major Thomson, inventé en 1954 par Pierre Daninos, un français dont je connaissais l’image un peu surannée, en costume cravate, mais aussi avec le sourire malicieux de ces années insouciantes, semblable à celui de l’équipe du « petit rapporteur », Jacques Martin et Pierre Desproges en tête, mes idoles du moment à la télévision, et qui dans les années 70 me faisaientt rire à coup sûr.

Ego sum ou Moi Je

 

On a pas attendu la niaiserie de l’autofiction pour écrire sur soi, et sur soi-même. Et souvent de manière magistrale. Une inclination profonde m’a toujours porté vers les récits du moi, les correspondances, les journaux intimes. J’en ai même fait mon métier ; j’aime recevoir les confidences, traquer l’intime, dévoiler l’inconscient derrière le texte.

Dans l’ordre de mes préférences je mettrai :

Même si Madame Bovary, c’est lui, Flaubert se découvre avec délectation dans sa Correspondance. Homme plume suant le substantif et le verbe, polissant sa phrase pendant des semaines parfois, amoureux, il se dérobe à sa Louise poétesse, mais demeure gaillard et vert avec ses amis, et surtout Flaubert déteste les bourgeois avec férocité et drôlerie. Correspondance d’un génial gueulard, quatre tomes en Pléiade qui se lisent comme du Dumas.

Les Confessions de Jean-Jacques, Rousseau bien sûr et le tome un avant tout.

Fusée et Mon Cœur Mis à Nu de Charles Baudelaire. C’est court, féroce, efficace. Désespéré et boutiquier, génial et petit.

Roland Barthes par Roland Barthes. Parce que c’est Roland Barthes et qu’il parle si bien du ciel lavé du Sud Ouest, de Proust, du désir d’écrire et de sa contrariété.

Notes de Chevet de Sei Shonagon. Blog, ou compte insta, d’une ado japonaise espiègle, libre et délicatement juste. En fait, publié au Xème siècle.

Mémoires d’Outre-Tombe, Chateaubriand. Récit d’aventure, romantisme, passage d’un monde à un autre, François-René ne se prend pas pour de la merde mais qu’est ce qu’il écrit bien !

Journal de Kafka. Franz est sacrément désespérant, mais avec quelle classe.

Pour en finir avec Eddy Bellegueule. Ouah, court uppercut d’un jeune homme mal né et particulièrement brillant.

 

liste des livres qui parlent de cabanes qui ont réellement été habitées par leurs écrivains.

Notes de ma Cabane de Moine par Kamo no Chomei. Après avoir vécu les horreurs de la guerre, le moine se réfugie dans une cabane et se consacre à l’écoute de la nature, la frugalité, le bruit du vent… ce récit autobiographique d’une limpide simplicité est publié en 1212 au Japon.

Walden ou la Vie dans les Bois par l’écrivain américain Henry David Thoreau, est publié en 1854. Il y énonce tout à la fois sa philosophie de la vie et le récit de ses deux années au bord du lac Walden, dans le Massachussetts. Culte !

Dans les Forêts de Sibérie raconte l’année que passe, seul et pour une fois immobile, Sylvain Tesson sur les berges du lac Baïkal. Un des plus beaux textes de l’écrivain voyageur. 2011.

Vacheries sur Proust

 

Je suis peut-être bouché à l’émeri, mais je ne puis comprendre qu’un monsieur puisse employer trente pages à décrire comment il se tourne et se retourne dans son lit avant de trouver le sommeil, écrit le lecteur de la Maison d’édition Ollendorf, auquel fut soumis le premier manuscrit de la Recherche.

«La vie est trop courte et Proust est trop long, déclare vachement Anatole France. Auquel Proust répondit : La vie est certes trop courte, mais les ouvrages de M. France savent nous donner l’impression qu’elle n’en finit pas. 

Proust explique beaucoup pour mon goût : 300 pages pour nous faire comprendre que Tutur encule Tatave, c’est trop., écriraL.F. Céline dans une lettre à Milton Hindus. Céline qui préférait Colette !

 

 

Ernest Hemingway

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Hemingway publia et proposa plusieurs listes de lectures. Une première dont nous avons la manuscrit, et en 1935, à le revue Esquire celle-ci, qui diffère un peu, des 17 meilleurs livres du monde :

Anna Karenine de Léon Tolstoï

Far Away and Long Ago – A History of My Early Life de William H. Hudson

Les Buddenbrook, Le déclin d’une famille de Thomas Mann

Les hauts de Hurlevent d’Emily Brontë

Madame Bovary de Gustave Flaubert

Guerre et Paix de Léon Tolstoï

Mémoires d’un chasseur d’Ivan Tourgueniev

Les Frères Karamazov de Fiodor Dostoïevski

Hail and Farewell de George Moore

Huckleberry Finn de Mark Twain

Winesburg, Ohio de Sherwood Anderson

La Reine Margot d’Alexandre Dumas

La Maison Tellier de Guy de Maupassant

Le Rouge et le Noir de Stendhal

La Chartreuse de Parme de Stendhal

Les Gens de Dublin de James Joyce

Autobiographies de William Butler Yeats

 

A lire quand la prison nous attend.

 

Personne n’est à l’abri d’une grosse bêtise, ou d’une erreur judiciaire. Autant que tu profites de ce temps carcéral pour lire.

Si on peut se délecter avec masochisme du Procès de Franz Kafka, ou de Crime et Châtiment de Fedor Dostoievski, dont la lecture édifiante peut correspondre à une courte peine ou à de la préventive, je te proposerai d’utiliser ces longues heures à :

La Recherche du Temps Perdu de Marcel Proust

La Guerre et la Paix de Léon Tolstoï

Autant en Emporte le Vent de Margaret Mitchell

Les Misérables de Victor Hugo

Les Trois Mousquetaires, suivi de Vingt Ans Après et du Vicomte de Bragelone d’Alexandre Dumas

Les Milles et Une nuits me semble aussi une bonne option pour une très longue peine.

Ce sera peut être pour toi l’occasion de découvrir le Mahabharata (grand poème épique indien dont je me réserve la lecture pour un ermitage lointain), ou de lire l’intégralité des Sagas Islandaises afin de pouvoir prononcer les noms de tous les protagonistes à ta sortie.

N’oublie pas de préparer ta vengeance en lisant et relisant Le Comte De Monte Cristo !

 

Littérature italienne

Certes, il est toujours bon d’avoir une édition, de préférence bilingue, de La Divine Comédie de Dante sur sa table de chevet, surtout si on compte séduire une Béatrice que l’on nommera avec emphase Beatrix jusqu’au moment de la glisser dans son lit. Cependant laissons pour l’instant la lecture de ce texte touffu, aux références obscures, aux étudiantes en littérature italienne. Il suffit de savoir que Virgile accueille Dante, que l’Enfer y est glacé et porte cette inscription, reprise par de nombreux adolescents pédants qui, moi en premier, l’affichèrent sur la porte de leur chambre : Lasciate ogne speranza, voi ch’intrate, pour briller dans la société des « gens qui parlent des livres qu’ils n’ont pas lus ».

Par contre les lettres italiennes m’ont portées depuis ma découverte concomitante de Venise et du K de Buzzati. Je pense que j’étais en 5eme et mes parents avaient décidés pour Pâques que nous fassions un grand tour de l’Italie. Il fallait alors prévoir les bons d’essence, des lires italiennes par valises, tant la monnaie c’était dévalorisée, s’attendre à se faire « arnaquer » à chaque transaction, quand ce n’était pas dépouillé par des pickpockets ou voir sa voiture sur calles, les quatre jantes dérobées. Ajoutons à cela l’eau non potable, la conduite « sportive » des automobilistes frôlant la Simca de mon père par la droite, la gauche et certainement le toit, les Vespa par nuées, la langue qui se parle avec les mains, à la fois familière et incompréhensible, le pain sans sel et les serveurs en habit, tout cela fit de court voyage mon « Usage du Monde », un temps fondateur de la rencontre avec l’étrange et l’étrangeté.

Et puis il y a eu Venise.

Ah Venise !

Venise me fait battre le cœur à chaque rencontre comme une femme désirable, humide et offerte que l’on retrouve avec volupté et qui cependant se dérobe à chaque fois.

Mais parlons plutôt de Buzzati. Je venais de lire le K, au programme de 6eme et j’avais adoré ces drôles de nouvelles au ton fantastique, une allégorie ironique de la vie, son univers absurde. Plus tard je lu Le Désert des Tartares, un des rares livres que je relis régulièrement, qui me touche de douleur exquise de la vérité chaque fois plus profonde, chaque fois plus vrai. Plus je vieilli, plus je prends conscience que ma vie est identique à le lieutenant Drogo, alors qu’à 20 ans je pensais que jamais on ne m’y prendrait. Attendre Les Barbares, moi ! J’aurais une vie d’aventurier, plein de ports et de femmes. Je ne serais jamais dupe des mirages qui naissent dans le vide des vies désertes. Je partirai, connaitrai des mondes…

« Il voyagea.

Il connut la mélancolie des paquebots, les froids réveils sous la tente, l’étourdissement des paysages et des ruines, l’amertume des sympathies interrompues.

Il revint. »

Flaubert avait sacrément raison quand il résuma ainsi 16 ans de la vie de Fréderic, à la fin de L’Education Sentimentale. Valait-elle mieux que celle de Drogo face au désert à attendre les Barbares ? On n’échappe pas au destin, au temps qui passe, que ce soit dans l’étourdissement des voyages ou la contemplation dorée de son désert.

 

Je n’ai aucune sympathie pour Italo Calvino. Je l’ai longtemps caché, surtout à l’adolescence, car adoré de filles un peu baba-cool que je tentais de séduire ; je trouve ses livres d’une lourdeur puérile et insistante, comme celle d’un enfant porté aux nues par ses parents qui débite des insanités de son invention devant un public qui cache son ennui et son agacement derrière une politesse froide. Buzzati est bien plus cruel, et bien plus drôle, derrière une élégance de la brièveté. Le Baron Perché, que c’est long, sentencieux ! Je n’ai jamais compris qu’on ne range pas Calvino au rayon philosophie à deux balles et à la guimauve, à côté de Paulo Coelho, du Petit Prince, (pour lequel j’ai cependant une tendresse indéfectible, certainement parce que mon admiration des aviateurs ne cessera jamais) ou de Castaneda, le réservant aux adolescentes encore ingrates.

 

De notre voyage, je me souviens des fresques de Ravenne, avec une immense fierté car elles illustraient la couverture de mon livre d’histoire, le balcon de Romeo et Juliette, tel une promesse encore inconnue de l’Amour, l’Arno gris et majestueux, une pizzeria dans Venise, un hôtel au-dessus d’une boite de nuit où nous n’avions pas pu fermer l’œil de la nuit, Venise encore et le sol de Saint-Marc, les tours en vaporetto, les ruelles comme un labyrinthe rassurant et voluptueux. Et puis Sienne, où la Campo en coquille Saint-Jacques, poudrée et ocre reste définitivement associé au goût voluptueux du Panforte, le pâtisserie mi nougat mi gateau acheté dans une boutique qui embaumait les épices.

Pour un enfant un peu gourmant, comme je le suis toujours, l’Italie est un miracle. On n’y mange des pâtes, des pizzas, et des escalopes a la milanese. Repas fabuleux, arrosés d’eau très pétillante qui sentait le bicarbonate. Moi qui n’avait jamais bu que de l’eau du robinet, j’avais le sentiment de déjeuner au Château Margaux.

 

Bien sûr il manquait Rome, Naples et bien d’autres villes à ce « grand tour » et la littérature italienne ne pouvait se résumer à un recueil de nouvelles de Buzzati. Jai découvert Rome en lisant les Racconti Romani, (Nouvelles Romaines), de Moravia, un de mes grands amours littéraires adolescent. Aujourd’hui je ne sais si on peut lire sans trouver l’écriture un peu surannée Le Conformiste ou Le Mépris, mais reste les films qui en furent tirés ; le plus grand Godard, un rôle en demi-teinte entre perversion et vide existentiel pour Trintignant, filmé par un Bertolucci pas encore libidineux et très talentueux.

 

Un jour, au début de mon désir d’écrire, j’ai gagné un concours de nouvelles. Le prix Cesare Pavese décernait par le Groupement des Ecrivains Médecins. Le prix comprenait, outre une plaque qui est bien en vue dans ma bibliothèque, un weekend à San Stefano Belbo, lieu de naissance de Cesare Pavese. La lumière chaude et rase du soleil automnale rendait encore plus ductiles et élégiaques les collines du Piémont qui vallonnaient doucement vers la mer. La même lumière qui nimbait le roman de Pavese que j’avais lu cet été là, La Lune et les Feux. Un roman magnifique…J’avais aussi lu son journal, Le Métier de Vivre, publié après sa mort, en 1952. Un suicide après une courte vie de solitude et de déceptions amoureuses. Pavese s’était donné la mort à 40 ans après avoir publié 5 romans, traduit Moby Dick en italien, (entre autre traductions), connu le succès littéraire. Et moi, à 46 ans, je recevais un prix à son nom, pour une courte nouvelle, après avoir publié deux livres pour enfants. Un prix décerné par une obscure association de vieux toubibs plutôt sympas et rigolards qui publiaient à compte d’auteur des romans touffus et certainement illisibles, des poèmes inspirés et des souvenirs de salle de garde qui n’intéressaient personne.

Il était étonnant, après avoir passé l’été avec Pavese de découvrir, ou plutôt de retrouver, les lieux qui forment la géographie du roman et surtout de revivre l’odeur des foins, des sentiers de noisettes, de la chaleur étouffantes de places silencieuses et pavées de ses villages du Piémont. Et au loin, la mer. Je comprenais l’appel du héros vers ce petit triangle bleu, entraperçu, presque fantasmé plus que vu, entre deux collines.

Ma nouvelle s’intitulait « J’irais à Rome » ; j’en suis encore aujourd’hui très fier. Et je suis encore plus fier qu’elle me fut refusée à un autre concours de nouvelles au prétexte, « que les textes autobiographiques n’étaient pas admis », alors que c’est une pure fiction.

Malheureusement il n’y en eu pas d’autres du même jet.

Pas assez en tout cas pour constituer le recueil à la hauteur de Fictions de Borges qui me fascinait à l’époque. Mais là, nous changeons de continent.

 

 

Voilà une liste de classique italien du XXème siècle dont la lecture m’a ravi

 

Le K Dino Buzzati

Le Désert des Tartares Dino Buzzati

Les Nouvelles Romaines Alberto Moravia

La Lune et les Feux Cesare Pavese

Si c’est un Homme Primo Levi

La Clé à Mollette Primo Levi

Italo Svevo La Conscience de Zeno

Et plus récent :

Montedidio de Erri de Luca, sublime

Gomorra de Roberto Saviano, terrible.

Et malgré tout ce que j’ai dit, il faut au moins une fois dans sa vie ouvrir La divine Comédie de Dante, parcourir Le Prince de Machiavel et certainement lire Le Baron Perché.

 

 

A voir :

Le Mépris Jean-Luc Godard d’après Moravia

Le conformiste Bernardo Bertolucci toujours d’après Moravia

Plaintes d’écrivains

Tout est dit, et l’on vient trop tard depuis plus de sept mille ans qu’il y a des hommes et qui pensent. Sur ce qui concerne les mœurs, le plus beau et le meilleur est enlevé ; l’on ne fait que glaner après les anciens et les habiles d’entre les modernes. La Bruyère (1696)

La plupart des livres d’à présent ont l’air d’avoir été faits en un jour avec des livres lus la veille. Chamfort (1770)

La chair est triste, hélas ! et j’ai lu tous les livres. S. Mallarmé (1865)

Il est de bon ton aujourd’hui de proclamer haut et fort, et très vite, que le roman est mort, avant de proposer le sien. Les écrivains se sont toujours plaints de la mort de la littérature, comme en témoigne ces quelques citations que j’adore. Coquetterie bien sûr!

Car le roman que tu écriras, la littérature à venir, est comme Rimbaud pour Verlaine. Verlaine qui répond à la première lettre du poète de 17 ans : Venez,venez vite chère grande âme… On vous désire, on vous attend !

Parle-t-il du garçon rebelle de Charleville-Mézière ou des poèmes hallucinés et fulgurants qu’il va produire, le temps si court de sa jeunesse?